Partis ce matin de Goma, nos formateurs sont en route pour le Territoire de Masisi, où ils ont retrouver les Babamama rentrés voici une semaine. Ils sont bien arrivés au km 40, malgré le fait que l’état de la route soit « indésirable ».
Pays
Nous serons vos relais là où nous allons …
Grâce à Goyabaya, j’ai pu me relever, je sais maintenant que faire dans la vie si on est au bout. Présentement, je sais qu’il y a des gens qui savent redonner de l’espoir de vivre. Au début de cette activité j’avais l’intention d’abandonner, je prenais comme un temps perdu tous ces exercices sur la détraumatisation et je n’y croyais pas et je ne pensais pas que l’on puisse jamais guérir de ses plaies intérieures, suite de ce que l’on a vu, entendu ou senti. Mais grâce à vous je suis en forme, alors très en forme, merci merci du travail abattu. Nous serons vos relais là où nous allons et ne tardez pas de venir nous rendre visite. aksanti, aksanti sana.
Babamama Jeanette Uzamukunda, 47 ans, retournée de Ntamugenga, épouse de Placide, 8 enfants, Rutshuru
Sur 75 Babamama intermédiateurs culturels, 50 ont choisi de retourner dans leurs milieux parce qu’ils se sentent prêts, pour certains après de nombreuses années passées dans le camp de Mugunga III. Magnifique impact de notre projet d résilience Simama et de son prolongement, le projet d’empowerment GoyaBaya.
Ils ont choisi d’être les ambassadeurs de nos projets là où ils seront. Les 10 premiers sont partis avec leurs familles. Ils seront rejoints par notre équipe Epiceries-SVP dans les prochains jours pour être présentés aux autorités civiles, coutumières et religieuses et pour les accompagner dans leurs premiers pas de retour. Les prochains groupes s’apprêtent à leur tous.
Ils sont partis par camion au petit jour avec l’association des camionneurs et sont arrivés sains et saufs.
Il est homme, pygmée, et il a dit oui
Les cercles de parole, transmis par les Nations premières au Nord du Québec, sont le fondement de notre démarche. Le bâton de parole qui passe de main en main et laisse la personne libre de parler ou de se taire, de peser ses mots à l’aulne du poids du bâton, rend visible que nul-le ne peut en être privé-e. C’est le premier pas vers la démocratie.
Jean-Paul est mtwa, c’est à dire homme de la forêt, pygmée. Après 1 mois de formation à Simama dans le camp de Mugunga III, il nous dit: « Il y a un mois, je ne savais même pas qu’un pygmée pouvait prendre la parole devant un bantu (ndlr: humain, représentant de tous les groupes non pygmés). Il y a une semaine je ne savais même pas qu’un jour j’aurais envie de prendre la parole devant un bantu. Et aujourd’hui, non seulement j’ai le désir de prendre la parole devant un bantu, non seulement j’ose la demander, mais en plus je trouve normal qu’on me la donne. Il faut absolument que tous les batwa (ndlr: pygmées) apprennent cette bonne nouvelle. »
Depuis, Jean-Paul fait partie des 76 Babamama du camp de Mugunga III, et il s’investit avec ses collègues dans les projets de résilience et d’empowerment dans le camp et dans le groupement de Mudja, territoire de Nyiragongo
Elles trouvent le courage de rentrer
A l’heure où la Province du Nord-Kivu compte plus de 830’000 personnes déplacées, 2 de nos Babamama ont eu le courage et l’envie de rentrer chez elles après des années passées dans un camp.
Pourquoi partir maintenant? Comme Babamama, elles ont appris les exercices de détraumatisation, elles savent gérer des cercles de parole et mener à bien une activité communautaire pour la cohésion sociale et l’acquisition de revenus.
Et elles ont souligné que enfin elles se sentaient armées pour repartir chez elle et si possible créer une antenne Simama dans leur lieu de retour. Merci les amies et à tout à l’heure!!!
Retrouver la fierté d’être quelqu’un
A l’occasion de la journée internationale du 17 octobre, journée de lutte contre la misère, nous avons rejoint l’initiative de ATD Quart Monde qui réunit le 8 octobre les acteurs fribourgeois engagés contre l’exclusion et ses conséquences en Suisse.
Demain à Fribourg, comment agir ensemble pour refuser l’exclusion?
L’exclusion en Suisse, ça existe? Notre pays a l’image d’un pays riche dans lequel chacun vit dans l’abondance. Et pourtant, comme le disait un candidat à une émission ce midi, l’argent est plutôt dans les banques que dans les mains des habitants. Mais il occupe une place certaine dans l’imaginaire, il hante les esprits, parce qu’il est l’aune à laquelle la société mesure la « réussite » individuelle. Et particulièrement cet argent reçu comme ce bien donné en échange d’un travail fourni, comme le pain gagné à la sueur du front. Comme un mérite. Il est investi d’une grand charge émotionnelle liée à des valeurs: engagement, fidélité, reconnaissance…
Travail et exclusion
En Suisse aussi le monde du travail est violent. Dans ce qu’il est d’usage d’appeler la classe moyenne inférieure, 1 personne sur 4 souffre de difficultés financières. Les travailleuses et travailleurs pauvres sont nombreux. Les personnes de plus de 50 ans qui ont perdu leur emploi voient leur vie sociale basculer souvent irrémédiablement, leur couple voler en éclats. Le mobbing, les injustices. les humiliations, les harcèlements, représentent plus de 45% des difficultés rencontrées sur le lieu de travail. Les patrons et cheffes de toutes petites entreprises travaillent un nombre impressionnant d’heures hebdomadaires et peinent à joindre les 2 bouts. Plus de 13’000 procédures de mise en faillite ont été engagées en 2015, sans compter les faillites des personnes non inscrites au registres du commerce.
L’épuisement professionnel est une réalité dans le monde du travail et il a ses conséquences sur la vie familiale et sociale. partout. Le site Burnout.ch donne cette définition: « Burnout (épuisement professionnel) est un terme générique désignant un état de fatigue émotionnel, mental et physique caractérisé d’un manque de motivation et de performance après des mois ou voire des années de surmenage, de surenchère; c’est un cercle vicieux. »
Combien des faillites ont été causées par ces burnout? Faire faillite c’est, dit le dictionnaire, ne pas être à la hauteur. Le sentiment de faillite génère un sentiment de honte. La honte sépare des autres et isole. Elle exclue de vivre bien ensemble.
Comment changer cela?
Quel est le degré de liberté dont nous disposons pour aménager nos espaces-temps de travail? Innover dans le monde du travail n’est pas si facile, parce que les traditions ont du poids.
Dans notre ong, nous avons des canapés pour nous installer confortablement, des matelas pour faire la sieste, une tablette pour regarder des films et nous organisons librement mais en équipe notre temps de travail. Peut-être aurez-vous envie de dire comme quelques autres: « Comment? vous n’avez pas d’horaires fixes? Vous permettez à vos bénévoles de faire la sieste? Vous ne contrôlez pas leur temps de travail? Vous êtes sûrs que c’est sérieux? ».
Imprévisible mais visible!
Mais peut-être aussi y verrez-vous une réalité autre: celle d’un espace, d’un temps, où nous nous travaillons beaucoup, mais en respectant notre rythme, nos coups de fatigue, nos rhumes, les chagrins et les deuils que nous avons à traverser comme nos jours d’hyperactivisme! L’enthousiasme efficace avec lequel les personnes déplacées dans les camps s’engagent avec nous et créent de nouveaux projets économiques à dimensions humaines suffit à raconter combien notre vision du travail est productive: elle produit de la chaleur humaine, le sens des responsabilités ensemble, l’engagement pour une vision. C’est visible et mesurable.
Mais ce n’est pas prédictible. Car cela prend du temps et que le facteur humain nous enlève la maitrise sur le cours des affaires et que ce n’est pas garanti à vie.
Retrouver la fierté d’être quelqu’un
Les personnes avec Epiceries apprennent à se remettre de leur angoisse face aux pertes qu’elles ont subi et à surmonter la honte de ne pas avoir été à la hauteur. Elles apprennent peu à peu à retrouver la fierté d’être quelqu’un, le désir de changer les choses, et le courage de le faire.
En Suisse, la peur de l’échec, la pression de devoir réussir et la honte de ne pas avoir réussi sont des sentiments si grands qu’ils paralysent de nombreuses personnes. Et l’aune de la réussite, c’est l’argent. Qui en a, a bien fait les choses. Qui en manque a failli. Exclu de parler de problèmes d’argent . Et pourtant, dans l’intimité, c’est un sujet omniprésent.
Nous cherchons avec toutes ces personnes des pistes pour transformer toute cette énergie perdue à cacher le manque, la souffrance, la honte, en énergie positive, de cette énergie qui donne le goût de vivre.
De l’imagination et beaucoup de courage!
Nous sommes frustrés parce que les connexions avec le Congo sont de nouveau compliquées, chères et peu fiables… mais ça va s’arranger comme toujours, patience! En revanche la connexion avec la magnifique équipe de Ecodesi au Costa Rica est de nouveau rétablie ouf!
Et Goyabaya, notre marque de sacs et produits faits de produits de 2e vie, bat son plein. Après des paniers roses et gris, voici les paniers bleus. Et saluons le courage de notre équipe. Comme nous n’avons pas de hangar dans les camps, ni de véhicule pour notre organisation, tous les jours, Solange, Denis, Dieudonné, Nicole, transportent tout le matériel en transport public jusqu’au camp! Merci à vous tous!