25 juillet : les habitant-es plient bagage et brûlent le superflu.
DES VIOLENCES SUR LES ROUTES
Pour retourner dans les villages, les habitants des camps n’ont pas trop le choix. Soit ils trouvent un moyen pour payer leur transport, soit ils se lancent à pied. Dans tous les cas, le voyage est périlleux: coupeurs de route, groupes armés, risque majeur de viols. Les femmes, des plus jeunes aux plus âgées, sont terrifiées devant cette perspective.
DES ENFANTS LIVRÉS À EUX-MÊMES
Les enfants non-accompagné-es ne sont d’ailleurs pas enregistré-es comme tel-les et ne reçoivent donc pas d’aide. Enfants invisibles, livrés à eux-mêmes. De la chair à enfants soldats en puissance. On dit que pour certains des solutions sont cherchées pour les placer en orphelinat ou en famille d’accueil …
Quant à la scolarisation des enfants, les préfets et préfètes ne sont probablement pas tenu-es au courant de leur arrivée, bien qu’on nous explique que la fermeture a été planifiée pendant les vacances scolaires pour favoriser cette transition d’une école à l’autre…
DES VIEILLARDS, DES PERSONNES HANDICAPÉES, JETÉS SUR LES ROUTES
Les aîné-es et les personnes handicapées n’ont aucune aide à attendre de personne. Il n’y aura probablement pas de moyens de transport pour eux-elles. Certain-es sont là depuis 10, 5 ou 4 ans, ont déjà été exposé-es à des violences et risquent d’en subir encore. Certain-es seront forcé-e-s de faire le chemin à pied jusqu’au Masisi, à plus de 80km, en passant par des zones rouges. Aucune institution ne s’est chargée de sensibiliser les gens aux zones dangereuses, comme ce devrait être le cas dans une fermeture planifiée.
LA VULNÉRABILITÉ DES FEMMES
Elle sera encore plus grande parce que les moyens financiers des femmes et enfants ne seront pas assurés. En dehors des risques élevés de viols, nous assisterons probablement à une augmentation de la prostitution parce qu’une mère qui n’a plus rien pour nourrir ses enfants n’hésite pas à se sacrifier.
OÙ ALLER?
Certain-es chef-fes d’autres camps ne seront probablement pas prêt-es à accepter/accueillir les personnes déplacées de Mugunga III sans compensation financière. Les chefs de villages et autres populations hôtes ne sont probablement pas au courant de la fermeture, si ce n’est par des rumeurs. Comment les personnes déplacées encore vont être intégrée-es, dans ces conditions ?
La sécurité alimentaire n’est pas assurée et au point de vue de la santé, nous risquons d’assister à des épidémies dans une région récemment encore touchée par Ebola et le choléra, d’autant plus que l’accès à l’eau et l’hygiène de base ne seront pas garantis et que la promiscuité sera grande.
DES CONFLITS PRÉVISIBLES DANS LES VILLAGES DE RETOUR
Si les personnes déplacées arrivent à bon port, rien n’est encore terminé. En effet nombre d’entre elles ne retrouveront ni leur maison ni leur champ. Car la plupart n’avaient aucun titre de propriété quand elles ont ont fui. Elles étaient détentrices de leurs parcelles selon le droit coutumier. Absentes pendant des années, leurs biens ont été attribués à d’autres ou acquis selon le droit foncier écrit par de nouveaux propriétaires, qui détiennent dorénavant un droit de propriété légal. Les personnes qui reviennent vont se retrouver sans terrains pour y construire ou cultiver, vont trouver leurs champs, soit laissés à l’abandon, soit au contraire cultivés mais appropriés par quelqu’un d’autre et sans être en mesure de trouver de quoi manger.
La population d’accueil (1) elle aussi, a peur de ces « revenants », peur pour les biens qu’ils ont acquis en toute légalité, peur de ces personnes qui revendiquent un droit souvent ancestral.
Tout un cocktail explosif de peurs réciproques qui nécessitent un accompagnement de part et d’autre, et conjointement avec les autorités civiles, coutumières et religieuses.
(A suivre…)
Denis Awazi Makopa, Co-président Epiceries & Véronique Isenmann, Coordinatrice Epiceries
(1) population qui habite dans les lieux de retour et « reçoit » les personnes déplacées qui reviennent chez elles.