L’essentiel c’est de bien cerner le problème!


http://epiceries.org/wp-content/uploads/2017/02/denis-sur-un-arbre-perché-300×300.jpeg

Quand vous vous trouvez devant le sentiment que quelque chose ne va pas avec quelqu’un, je crois l’essentiel c’est de bien cerner le problème de chacun-e d’entre vous et que les solutions sont proches quand on sait bien le problème.

Donc tu dis: « une fois qu’on sait cerner un problème, les solutions ne sont plus très loin? Si vous rencontrez des difficultés dans les relations, ne cherchez pas d’abord des solutions, cherchez d’abord à bien comprendre le problème. C’est ça? »

Oui c’est  ça. Mais en plus je dis que si on a un problème avec quelqu’un et que de notre côté on a tout fait pour aplanir les difficultés, alors c’est peut-être qu’on n’a pas laissé à l’autre la chance d’exposer son problème. Ce qui fait que le plus souvent nous n’arrivons à résoudre durablement un problème. Mais si l’on donne un minimum de chance à l’autre de s’exprimer, alors la solution n’est pas du tout loin.

Ça c’est mon expérience et ma profonde conviction. Et si vous avez devant vous toute une forêt de problèmes, prenez un arbre à la fois, et écoutez ce qu’il a à vous dire avant de passer au suivant. Et chacun des arbres vous aidera à aller vers des solutions durables pour vous tous.

Goma, 16 février 2017, Denis Awazi Makopa, co-président

 

Le prix de ma peau

© Texte: Véronique Isenmann – Illustration Valeria Martini, 2017

C’était un matin comme tous les matins. A 5h l’appel du muezzin avait rempli l’air de son invocation vibrante suivi de près par les cloches des ursulines avant que n’éclatent les martèlements des forgerons.
Elle s’était levée comme toujours dans l’aube naissante, juste avant l’appel à la prière.

Illustration Valeria Martini - Texte Véronique Isenmann

Avait préparé le thé et le café pour les veilleurs de ses nuits, était sortie dans l’aurore rougeoyante, dans ce moment unique où le reflet de la lave sur les nuages au dessus du volcan se fondait dans le soleil naissant.
Elle avait enfilé son pagne deux-pièces, ajusté à la taille, celui qui lui venait de ses filles du Niger, et dont les tons de beiges et de bruns l’enveloppaient de leur douceur. Un foulard noir brillant lui couvrait les cheveux. Un collier de pacotilles offert par sa mère émettait un tintement rassurant à chacun de sa pas.

 

Pompidou lui ouvrit le portail à 6h00 tapantes, au moment même où l’harmonium de l’Eglise du Christ au Congo entonnait “C’est un rempart que notre Dieu” et où les chants hurlés au microphone de l’une des 1000 églises de Réveil brisaient la paix. Guerre des cultes et des adorations…
Elle marchait de cette démarche chaloupante si propre aux femmes d’Afrique, qui font d’une simple marche, une danse vers l’éternité. Ses boda boda vertes foulaient l’Avenue Mont Goma, avec son terreplein central, ses herbes folles et sa terre battue, qui constrastaient avec la noirceur de la lave des autres boulevards, ses lourds portails bleus ou rouges barricadant l’accès aux enclos et ses fleurs au parfum ennivrants débordant des murailles.
Mais ce matin elle avançait comme absente à elle-même dans le quartier des Volcans, en direction du rond-point Instigo, pour chercher le bus 17 places qui la mènerait à l’Université Libre des Pays des Grands Lacs où l’attendaient une quinzaine d’étudiant-es de vingt à cinquante ans.
Elle aimait tant d’habitude cette heure matinale, les odeurs encore vierges de putréfaction et de mauvais pétrole. Mais ce matin son coeur était si lourd et son dos ployé sous le poids des absences, des chagrins et de l’impossibilité de comprendre quoi que ce soit à ce coin du monde.

Tout à coup une nuée de gamins dépenaillés surgis de nulle part l’entourent et son cœur s’emballe. Des Maïbobos, ces gamins des rues prêts à tout à ces heures? Tout à coup elle aperçoit celle qui semble être la mère d’une partie des enfant. Alors, aux cris des enfants: “Money, money”, aux mains tendues dont certaines l’agrippent, la peur cède le pas à la colère.
Une colère inouïe et un chagrin si puissant qu’il balaie toutes les prudences. Elle apostrophe la mère: “Tu oses me demander de l’argent sans même me dire bonjour? Tu oses apprendre à tes enfants de me demander de l’argent sans leur apprendre à me saluer, moi qui suis une vieille? Tu leur permets de m’apostropher avec un “mzungu” (la blanche) qui n’a rien de respectueux et tu ne leur apprends pas à me dire : « Bonjour la vieille »? Que sais-tu de moi? Tu ne sais même pas mon nom, tu ne sais pas que mes enfants me manquent tellement que j’ai le cœur déchiré. Tu ne sais pas que j’ai laissé une bonne vie pour être ici à tes côtés et me battre avec toi pour la paix. Tu ne sais pas que ici je n’ai rien, pas d’amis, pas de soeur, personne à qui me confier, et même plus assez d’argent pour acheter de quoi manger demain. Tu ne vois que ma peau et tu lâches tes enfants sur moi pour éveiller ma pitié. Va-t-en, laisse-moi, j’en ai assez, c’est vrai tu ne m’as pas demandée d’être là. Je m’en vais, c’est terminé.”

Illustration Valeria Martini - Texte Véronique Isenmann

Son visage est inondé de larmes et son corps secoué de sanglots. Interloqués les enfants se taisent et la mère les prend contre elle, elle aussi muette devant cette coulée de mots qu’elle ne connaît pas mais dont confusément elle saisit le sens.
La vieille se détourne, incapable d’en dire plus, brisée par la violence de cette terre qui ne reconnait personne. Elle s’en va dans ses boda-boda vertes, qui font d’elle une professeur qui ne respecte pas les hiérarchies, les codes sociaux. Des savates de motards, qui la rangent au rang des plus petits parmi les petits. Elle s’en va, l’échine voutée, blessée dans son désir d’être acceptée.
… Le jour avance comme tous les jours, car ici chaque jour est semblable au précédent, et au suivant. Et c’est le matin à nouveau. Et encore le muezzin lance son appel puis les cloches des ursulines et l’aiguisage des forgerons et le raffut des crieurs de foi. Et la marche vers le bus où elle paie 3 fois plus cher parce que sa peau est blanche, et les cours où les femmes s’endorment, à force de corvée et d’absence d’avenir, et le chemin du retour dans la suffocation du trafic et l’Avenue du Mont-Goma et sa douceur. Elle a troqué son pagne du Niger contre un pagne d’ici, ses boda boda vertes contre les roses, laissé ses cheveux au vent malgré la poussière aveuglante.

L’enclos n’est plus qu’à quelques pas, quand elle entend leurs cris.
Encore! Les enfants sont là, encore.
Ils la suivent, la poursuivent, lui courent après: Muzungu, muzungu!
Combative, elle se retourne d’un bloc: “Je vous l’ai dit, je n’ai rien, je ne veux plus vous voir.”

Alors un petit la prend d’une main et de l’autre lui tend un billet déchiré et si sale qu’il est difficile d’en voir le montant. Et il dit: “Tiens muzungu, c’est de maman, pour toi, pour que tu puisses t’acheter du mkate (du pain)” et il éclate d’un rire heureux et lui glisse le billet dans sa main libre. “Maman dit: tu dois manger.” Et la nuée d’enfants fuit dans un battement joyeux, sans attendre son reste.
Elle ouvre la main et voici, un billet de 50 FC, juste de quoi acheter son mkate. Les larmes coulent à nouveau sur son visage, tandis qu’une lumière infinie se lève dans ses yeux et qu’une ébauche de sourire transforme son visage.

Enfin!

Enfin, après trois longues années, elle a été adoptée.

Deux nouveaux co-présidents pour notre ong

Denis, co-président Epiceries

La présidence de notre ong est désormais assurée par Geneviève Hernandez et Denis Awazi Makopa. Nous rendons ainsi visibles combien nous pensons que nos terres et nos réseaux du Sud et du Nord se fécondent mutuellement. Et combien nous faisons du travail en équipe notre fondement

Denis est membre fondateur de notre ong, il partage le savoir de tous les projets avec notre coordinatrice Véronique Isenmann et il coordonne les projets Epiceries-SVP à Goma avec notre magnifique équipe locale. Il est notre mémoire et l’interface entre la pratique et nos visions.

 

Geneviève

 

 

Geneviève est suissesse. Colombienne par son père, elle fait le pont avec nos projets en Amérique latine et nous ancre en terre fribourgeoise avec son immense réseau. Amie de longue date récemment arrivée à Epiceries, elle apporte un regarde neuf sur notre manière de travailler.

 

Bon anniversaire Epiceries!

Il y a 5 ans, le 1er novembre, forts de toute l’expérience au Niger et au Congo avec SOFEMA et SVP, nous avons fondé notre ong Epiceries, chocolat chaud dans les mains et étoiles dans les yeux, sur le canapé vieux rose de notre présidente!
Les membres fondateurs-trices sont nigériennes, congolais, français. suisses, tunisien… ils sont appuyés au comité par les membres d’Amérique latine. Pas toujours simple avec les décalages horaires des un-es et des autres…. mais aucun décalage sur la vision et les contenus.
Merci merci merci à toutes celles et ceux qui depuis 5 ans se sont mouillés pour Epiceries, membres actifs dont plus de 100 personnes sont actuellement bénévoles à plus de 50% de leur temps. Sans elles, sans eux, nous n’aurions pas su imaginer cultiver le goût de vivre à travers les conflits armés, les conflits sociaux, avec les réfugiés, les déplacés, les travailleurs pauvres, les femmes violées et les hommes ivres de souffrances…
Et bienvenue à toutes celles et ceux qui ont envie de partager la lutte pour la paix à travers l’éducation populaire et la formation. Parce que cela change durablement les choses. Allez venez, on est repartis pour 5 autres années!

L’Afrique et la bonne gouvernance

Une émission de Voice of America avec notre collègue et amie, Séverine Auteserre, professeure associée, avec qui nous avons partagé des joies et des plats à Goma,. Elle est spécialiste des guerres civiles, de la construction et du maintien de la paix, de l’aide humanitaire et des politiques africaines. Elle travaille en relations internationales et Etudes africaines au  Barnard College, Columbia University (USA).

La CENI Commission Electorale Nationale Indépendante de RDC en formation à Fribourg

ceni-3Vendredi l’exécutif de la Ville de Fribourg a reçu la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, de RDC qui venait en Suisse pour se former aux arcanes de la démocratie. Merci infiniment à M. Nicolas Wolleb, chef du Contrôle des habitants, qui a fait une présentation remarquable sur notre système de votations et d’élections, et sur des aspects moins connus, en particulier la gestion des listes et le processus de dépouillement.

Quant à M. Thierry Steiert, Syndic (équivalent de maire) de la Ville de Fribourg, il a sidéré nos amis de la CENI en répondant: « Inimaginable! » à la question: « est-ce que votre pays serait là où il en est sans les élus locaux? ». « Inimaginable! » ce mot a fortement marqué Mme Elodie Ntamuzinda, membre de la CENI, qui, comme ses collègues, a été frappée par notre vision de la démocratie, certes perfectible mais cependant opérante. Mais nul se saurait prédire l’impact réel de cet étonnement …
Nous en avons profité pour informer les membres de la CENI que au Nord-Kivu c’est cette vision alla suisse qui a fondé notre pédagogie d’apprentissage de la démocratie, à commencer par le partage de la parole….

Un immense merci à nos autorités pour ce moment mutuellement respectueux et plein de joie.

 

… et elle s’engage à fond!

Notre couturière Immaculée s’est revêtue d’une veste Epiceries:1c8d79a3ef420148d457112aa51dc4cb6e4ec2208f453cfcbd9e5c5e186c227e_full « Si vous voulez qu’on nous respecte dans le camp, il faut qu’on fabrique tous ensemble des uniformes pour qu’on nous reconnaisse et qu’on nous écoute »

Ohlala, quelle idée géniale, travailler ensemble « les gens de dedans et les gens de dehors », wouaw! Alors hop, on va chercher comment acheter les tissus et les fils pour que notre atelier puisse tourner à fond à fabriquer 76 vestes. Belle énergie!

Elle a choisi de dire oui

09b078412e3024b41d132397ed1540d5baae4757790a41b20f50ce31ed2b2963_full

« Vivre dans les camps n’est pas une vie, c’est un enfer permanent, surtout pour nous les femmes. Il y a 2 ans je voulais en finir. Si j’ai la force de tenir la pédale de la machine c’est par la grâce de votre travail. Alors je veux travailler avec vous dans le camp où je vis, bénévolement, pour aider d’autres femmes à se relever. »

Elle fait partie des 38 femmes babamama qui sont en formation actuellement dans les camps. Elle apprend à transmettre Simama, notre rituel de travail des traumas et de développement du pouvoir d’agir, à l’aide de tapotements et de cercles de parole. Merci à elle de prendre le relais et de nous apporter toute sa connaissance de la vie des camps, et ses compétences en matière de résilience et d’empowerment.

Merci parce que sans son courage, et celui des 75 autres personnes qui s’engagent, nous ne pourrions pas faire ce travail.

38 femmes et 38 hommes lèvent la main pour dire oui

Elles disent oui
De victimes elles deviennent aides soignantes et s’engagent pour aider les autres habitant-es du camp à s’en sortir

Habitant les camps, elles – ils choisissent de s’engager bénévolement comme artisan-s de paix. Ils suivent la première formation pour devenir babamama, intervenants d’Epiceries-SVP, au sein des camps et plus tard comme médiateurs culturels de paix dans leurs villages de retour.

Les personnes déplacées sont victimes de violences. MAIS c’est faire atteinte gravement à leur dignité et leurs droits culturels de ne pas les considérer comme actrices-acteurs de leur propre vie et de la construction de l’avenir.

Les 38 hommes qui ont suivi la première formation en intermédiation culturelle dans le camp de Mugunga s'engagent bénévolement pour travailler avec les milliers de personnes vivant dans le camp
Les 38 hommes qui ont suivi la première formation en intermédiation culturelle dans le camp de Mugunga s’engagent bénévolement pour travailler avec les milliers de personnes vivant dans le camp